lundi 16 février 2009

Le point triple (27/01/09)

Tout au cours du mois de janvier, nous avons eu le temps d’apprécier les paysages de la Patagonie. 1000 kilomètres dans une région aussi fascinante laissent des traces et nous permettent de bien nous imprégner de l’atmosphère et, j’oserais dire, du caractère de cette contrée.

Mais au cours de la traversée de la Patagonie du Sud, nous avons le sentiment d’avoir fait connaissance avec deux caractères bien distincts. Au sud du Lago General Carrera, les sommets aussi mythiques qu’innaccessibles tels que le Fitz Roy et le Cerro Valentin se succèdent le long de la chaîne andine. Les roches qui constituent ces massifs sont d’origines profondes, cristallines, et semblent tourmentées et torturées, plissées, déformées et recristallisées. Ce domaine ne comporte aucune trace de volcanisme.

En revanche, au nord du Lago General Carrera, le paysage et caractère géologiques connaissent un boulversement. Les roches métamorphiques laissent la place à des roches volcaniques, dont certaines sont très récentes, comme nous l’avons vu dans un precedent post. De plus, depuis le volcan Hudson, un défilé d’édifices volcaniques actifs s’étire en chapelet vers le nord : Monte Maca, Volcan Nevado, Volcan Corvado, Chaiten et Michi Mahuida, Volcan Huequi, Hornopiren et Hualique, et la liste est longue jusqu’au volcan Tupungato, à proximité de Santiago du Chili. C’est l’arc volcanic sud andin, segment de la “Ceinture de Feu du Pacifique”.

Mais pourquoi existe-t-il une telle différence entre le nord et le sud du Lago General Carrera ? Nous avons interrogé Fabien Bourlon, géologue au Centro de Investigacion en los Ecosystemas de la Patagonia, a Coyhaique. Fabien nous explique que cette différence est liée à un contexte géologique global bien particulier : nous nous situons à un croisement entre trois plaques tectoniques qui bougent les unes par rapport aux autres (les plaques Antarctique, de Nazca et Amérique du Sud). Comme nous l’explique Fabien : « La Cordillère des Andes résulte de la subduction, c’est à dire du plongement des plaques océaniques Nazca au nord et Antarctique au Sud sous la bordure ouest du continent sud-américain. Hors, des mesures très précises du mouvement des plaques tectoniques montrent que la plaque Nazca plonge de 8 cm/an, alors que la plaque Antarctique ne plonge que de 2 cm/an, voire moins. Dans le cas de la plaque de Nazca, la subduction est assez rapide pour générer une activité magmatique, donc du volcanisme, ainsi qu’une sismicité très importante. En revanche, dans le cas de la plaque Antarctique, le plongement de la plaque est trop lent pour générer du volcanisme, et l’activité sismique y est très modérée. Etant donné que nous sommes au carrefour entre 3 plaques, cet endroit est appelé le point triple. »


Vous pouvez, vous aussi, regarder sur une carte et comparer la position de l’arc volcanique sud andin et la position des plaques de Nazca et Antarctique, et vous noterez cette coincidence. Cet exemple montre bien comment les phénomènes géologiques observés en surface témoignent des processus tectoniques à grande échelle. Le travail du géologue consiste ainsi a recueillir des informations en surface pour les interpréter et comprendre les phénomènes géologiques à grande échelle.


Source des figures : wikipedia