vendredi 20 février 2009

Mine de zinc El Toqui (30/01/09)

A Coyhaique, Fabien nous a mis en relation avec un responsable de la mine El Toqui, située a 90 km plus au nord. Nous obtenons un rendez-vous avec un géologue depuis les bureaux à Coyhaique avant de prendre la route. Deux jours plus tard, nous sommes à Villa Mañihuales, petit village à proximite de la mine. Nous avions initialement prévu de nous rendre à la mine en vélo, mais nous apprenons qu’un bus transporte tous les jours les mineurs et que nous pouvons nous aussi le prendre. Nous cherchons alors un endroit sûr pour laisser la tente et nos affaires toute la journée puisque le bus part à 5 h du matin pour ne revenir qu’à 20h30. Nous avons maintenant nos astuces et c’est auprès des carabineros (la police) que nous demandons de l’aide. Comme toujours ici, à chaque problème une solution, et c’est en quelques minutes de réflexion seulement que le policier de garde nous indique une place au sec dans le garage ouvert sous le bâtiment alors que la pluie ne cesse de tomber depuis des heures.

4h30 : nous préparons rapidement nos affaires et marchons vers l’arrêt de bus sous un ciel étoilé. Nous avons une heure de repos supplémentaire dans un bus très confortable avant d’arriver à la cafeteria où nous profitons d’un petit déjeuner avec les travailleurs. Vers 9h30, deus jeunes géologues, Victor et Franco, nous recoivent.

« Vous savez que c’est la seule mine de zinc au Chili ? » nous disent-ils. « La première anomalie en zinc a été découverte dans les années 70 par un prospecteur, mais ce n’est que dans les années 80 que le gisement a été découvert. Depuis, plusieurs compagnies minières se sont succédées et c’est une entreprise canadienne Breakwater Resources qui est le propriétaire actuellement. »


Victor et Franco commencent par nous expliquer le système d’exploration utilisé. Une fois qu’une anomalie minérale (ici le zinc) a été repérée, le géologue effectue un échantillonnage systématique de sédiments fluviaux à raison d’un échantillon par km2, soit un total de 50 échantillons environ. Une analyse géochimique de ces échantillons permet de déterminer s’il existe un teneur en minerai importante. Une cartographie grossière est réalisée et l’anomalie principale en minerai est localisée. La seconde campagne d’échantillonnage de sédiments fluviaux est plus précise et ciblée sur l’anomalie détectée précédemment. Un échantillon est prélevé tous les ¼ de km2, ce qui correspond a environ 100 échantillons au total. Une nouvelle carte plus précise permet d’identifier une ou plusieurs zones à forte anomalie en minerai. Des analyses de sol sont ensuite effectuées en suivant une maille régulière de 20x20 m (1000 échantillons environ). A la fin de cette étude d’exploration, le gisement est ciblé en surface sur une carte et sa teneur en zinc est connue. L’extension en profondeur du gisement est déterminée grace a des mesures géophysiques (gravimétrie, résistivité). La gravimétrie est la mesure du champ de gravité qui dépend de la répartition de densité de roches et permet de détecter des minerais lourds. La résistivité est la mesure de la conductivité électrique des roches, qui dépend de leur composition chimique. Enfin, pour déterminer au mètre près la géométrie du gisement, des carrotages réguliers sont réalisés.

Victor sort des cailloux d’un sac et les pose sur la table. Ce ne sont pas des roches ordinaires car certaines sont grises métalliques, d’autres plutôt jaunes dorées. Ce sont des minerais en provenance du gisement. Victor nous explique : « Les minéraux gris sont de la galène, qui contient du plomb. Les minéraux jaunes sont de la chalcopyrite et de la pyrhotite qui contiennent du cuivre et du fer. Le minéral noir est de la blende, concentré en zinc. » Le zinc est le minerai le plus concentré dans le gisement avec une teneur de 8%, mais sont associés au zinc d’autres minerais non exploitables comme le fer ou le plomb par exemple. « Certains gisement de El Toqui contiennent également de l’or et de l’argent. L’or a une teneur de 12 grammes par tonne et est contenu dans la matrice des roches. » Puis Victor nous explique que dans les calcaires, les fossiles ont été remplacés par du minerai et nous pouvons observer des minéraux qui ont exactement la forme des fossiles qu’ils ont remplacés.

« Mais comment s’est formé le zinc ? », demandons-nous. Franco nous répond : " Des fluides magmatiques riches en zinc et autres éléments sont remontés vers la surface le long de failles. Ces fluides ont été bloqués par un niveau de roche imperméable et ont interagit chimiquement avec les roches situées sous le niveau imperméable. En fonction de la température et de la composition de la roche, certains éléments se sont déposés et concentrés, ici en particulier le zinc, tandis que d’autres se sont dissouts comme la calcite qui compose les fossiles".

« Et comment décide-t-on qu’un gisement peut être exploitable ? ». Victor nous répond que plusieurs critères entrent en jeu, en particulier la teneur en minerai, l’offre internationale et le coût de la production. Par exemple, dans le cas du zinc, actuellement, on considère qu’un gisement est rentable si le minerai contient plus de 4% de zinc.

Nous demandons enfin quel est le rôle du géologue minier. Les géologues peuvent travailler soit en exploration soit en production. En exploration, le géologue doit déterminer les gisements et leur géométrie en profondeur. Il s’occupe des campagnes d’échantillonnage, des analyses géophysiques, et de la description des carottes. Toutes les données sont corrélées afin de construire une coupe ou un profil géologique. Toutes les données sont compilées et comparées afin de construire un modèle géologique du gisement. Franco ajoute : « Le géologue a une lourde responsabilité car de son travail et de son intuition dépend toute l’activité industrielle de la mine. De plus, la mine assure la survie économique de la région puisque les 300 personnes qui travaillent dans la mine sont de Villa Mañihuales et des environs. » En production, le géologue fait le suivi quotidien du front de taille et dirige le travail d’extraction. Pour une question de sécurité, nous n’avons pas eu l’autorisation d’entrer au fond des galeries et nous ne pouvons pas illustrer le travail des mineurs.


Franco et Victor retournent à leur poste, et nous nous installons dans les bureaux pendant l’après-midi en attendant le bus de 19h qui nous ramènera à Villa Mañihuales.