mercredi 28 janvier 2009

Passage vers la Carretera Austral (05 - 08/01/09)

“Pour passer le lago del Desierto, il y a 2 bateaux par jour: un à 08h30 et l’autre à 13h00 » nous dit Riccardo, gérant d’un hôtel à El Chalten. Il ajoute « Après, vous en aurez pour 5h de marche par le sentier de rando en poussant les vélos. La première partie est une rigole, les sacs ne passent pas, vous devrez décharger ».

Sur les conseils de cyclos, nous voulons rejoindre la Carretera Austral, route mythique chilienne, et changer notre itinéraire initialement prévu sur la route 40 en Argentine. Mais pour atteindre la Carretera Austral, nous devons traverser 2 lacs par bateaux et entre ces deux lacs, nous devrons utiliser un sentier de randonnée. Ce sentier, situé en Argentine, fait la liaison avec la piste chilienne qui arrive jusqu´à la frontière. Au camping, Dorothée et Sven, que nous avons retrouvé, nous donnent d’autres horaires pour le même bateau. Comme toujours au Chili et encore plus en Argentine, il y a autant d’informations différentes que de personnes interrogées pour la même question. Nous avons donc opté pour une méthode qui se révèle assez fiable : les statistiques. Le second bateau ne passe que tous les 2 jours et sous condition que la météo (i.e. le vent) soit bonne. Nous devons donc prévoir notre planning avec de la marge et s’assurer d’emmener assez de nourriture pour au minimum 1 jour de plus en cas d’attente ou de pépin.

Cela fait déjà 5 jours que nous sommes à El Chalten, retardés par des tentatives infructueuses de mise à jour du blog, une gastro pour Olivier et des maux d’estomac pour moi. Nous partons enfin le 5 janvier, chargés pour 6 jours de nourriture. La force du vent nous surprend le long du rio dès la sortie du village. Il soulève l’eau en de cinglantes rafales et même de petits graviers. Une fois le couloir venteux passé, nous entrons dans une forêt dont le vert pomme de l’herbe fine, le bruit des cascades et l’écoulement du rio bleu turquoise nous apaisent.

Au lago del desierto, nous montons les vélos sur le bateau pour une traversée de 30 minutes sous la pluie. Quel dommage car la vue promettait d’être spectaculaire ! Les montagnes surplombant le lac nous rappellent par leurs formes les fjords norvégiens. Mais les forêts balayées par le vent et la présence des glaciers sur les sommets comme prêts à descendre dévorer à nouveau les flancs montagneux parsemés de moraines sont bel et bien particuliers à la Patagonie chilienne. Au bout du lac et à côté du poste frontière argentin, nous posons notre tente en espérant que la nuit sera réparatrice pour affronter le sentier que nous nous redoutons.


La pente est raide, les sacs frottent le long de la rigole, mon estomac est toujours aussi douloureux. Nous poussons notre charge jusqu’à ce que nous soyons contraints de retirer les sacoches et faire 2 fois les trajets. C’est dur ! Les bras et les épaules sont déjà douloureux et nous profitons peu de la vue sur le lac, obnubilés par le temps. La pente du sentier se radoucit enfin et le sentier s’élargit dans une forêt. Nous pouvons avancer désormais avec les sacoches. La forêt est toutefois parsemée d’embûches telles que des cours d’eau à traverser sur des planches souples, des troncs d’arbres à passer, des souches et racines à éviter et quelques bonnes pentes accidentées qui pompent notre énergie déjà bien entamée. La fatigue augmente, le moral diminue, nous ne savons pas à combien de temps nous sommes de la frontière…Quoi qu’il en soit, nous devons avancer et je serre les dents tout en maudissant ce sentier interminable. Après 7h de marche, des bleus sur les jambes à hauteur des pédales, nous voyons enfin le panneau « Bienvenidos a Chile » ! Enfin, nous allons descendre et sur nos vélos !!!




Nous avons très probablement battu le record du plus long temps pour passer cette étape et nous avons probablement rencontré l’autre détenteur du record mais cette fois du temps le plus court (3h !), mais peu importe. Cette expérience n’est pas une compétition, mais fait juste partie de l’aventure au même titre que le vent en Argentine et les pires moments qui viendront par la suite.


Le second bateau nous emmène vers Villa O’Higgins, village de 500 habitants qui ponctue le sud de la Carretera Austral. Ce village a été construit en 1966 afin que les chiliens soient présents à proximité de la frontière, et son seul accès jusqu’à 1999 n´était possible qu’en avion, bateau ou à cheval. Après une nuit passée sur les bords du lac O’Higgins, nous pénétrons dans le village aux maisons en bois colorées et aux rues perpendiculaires. Au centre, une place est le cœur du village avec une école, qui est le bâtiment le plus grand de la ville, une bibliothèque, une église et une radio locale. Nous ne voyons ni mairie, ni banque. La poste est une petite pièce annexe à une auberge et contient quelques enveloppes et boîtes, mais pas de timbres. La ville la plus proche, Cochrane, est à 200 km. Le village est très calme et nous croisons à l’occasion un policier qui patrouille en pick-up dans la dizaine de rues du village pendant quelques heures, ainsi qu’une fillette d’environ 5 ans à cheval et quelques passants. Curieusement, dans ce si petit village, il y a une grande bibliothèque et 4 ordinateurs connectés à internet. Nous nous rendons vite compte que ces 4 connexions font le lien entre les gens du village du bout de la route et le reste du Chili. En réalité, toutes les villes et villages chiliens ont une bibliothèque et sont connectés à internet. Cette belle initiative a été prise par Michèle Bachelet au début de son mandat de présidente dans le but d’améliorer l’accès à la culture. Ainsi, dans chaque commune, nous aurons la possibilité d’accéder à internet gratuitement mais avec bien sûr un temps limité afin que tous puissent profiter de cette fenêtre ouverte sur le monde.