jeudi 12 février 2009

La “Carretera Austral” (15-21/01/09)

La piste commence devant nous, nous sommes sur la Carretera Austral !!

Route mythique pour les cyclos, elle n’a été achevée qu’en 1999 quand Villa O’Higgins a été reliée au reste du Chili. La carretera austral est une idée ambitieuse du régime militaire du Général Pinochet qui, dès 1976, voulait relier toutes les villes et villages de cette région au reste du Chili par une route. Belle idée certes, mais lorsque nous avons vu les reliefs dans lesquels les soldats ont du creuser, nous en sommes restés ébahis! Quel travail titanesque!!! D’ailleurs, ils n’y sont pas allés de main morte : les pentes sont non seulement hardues mais également très longues. Comment leur en vouloir lorsque nous voyons ces gorges profondes creusées par les rivières et ces forêts vierges innaccessibles ?


Nous commençons donc cette piste dont on nous a dit tant de bien pour la beauté des régions traversées. Environ 200 km nous séparent de la prochaine petite ville : Cochrane. Nous empruntons un petit ferry pour traverser le fjord Michell jusqu’à Puerto Yungay avant d’attaquer une côte hors catégorie en pourcentage de pente sous l’attaque de taons affamés. Le col est long et difficile mais la vue est à couper le souffle. Au sommet des montagnes, des glaciers alimentent des cascades puis des torrents qui entaillent la roche en de profondes gorges. Sur les flancs, une forêt vierge luxuriante foisonne de fougères, de fushias et autres plantes inconnues nous offrant un sentiment de nature préservée de toute activité humaine. La descente est aussi raide que la montée. Nous dévalons la piste à flanc de falaise nous offrant une vue imprenable sur une gorge étroite qui s'ouvre vers une large vallée où serpente le rio Baker en large ondulations. La végétation est toujours aussi dense, mais nous découvrons dans cette vallée des bambous d’où émerge parfois un troupeau … de vaches. Sur cette partie de la Carretera, le passage des véhicules se fait au gré de l’arrivée du petit ferry et nous profitons ainsi de longues heures de solitude sans un seul bruit de moteur…




Peu avant Cochrane, le paysage devient plus sec et la piste devient de plus en plus mauvaise avec du sable, des blocs et ce que nous avons appelé de la “tôle ondulée”. Contrairement aux alentours de Villa O’Higgins, ici les montagnes sont plus élevées en altitude et jouent le rôle de barrière climatique. D’ailleurs, c’est ici que se trouvent deux immenses champs glaciaires (Campo de Hielo Sur et Norte) qui constituent la calotte glaciaire patagonienne, troisième calotte glaciaire au monde après l’Antarctique et le Groënland.
Après un peu de repos et une cure de fruits dans un jardin aménagé en camping à Cochrane, nous profitons d’une douche naturelle - qui vaut bien celles de Normandie – agrémentée de la boue des flaques que traversent les bus, camions, et autres véhicules sans scrupules avec grand amusement semble-t-il…


Nous longeons à nouveau le rio Baker mais qui s’écoule cette fois-ci au fond d'une gorge étroite depuis le lac General Carrera, second lac le plus grand d’Amérique latine après le lac Titicaca. Tout autour les montagnes sont vides de forêt mais leurs flancs sont recouverts de troncs morts. Nous rencontrons le long du chemin un vieil homme qui taille ses arbres fruitiers et nous lui demandons la raison de ces troncs morts. “ Il y a eu un incendie il y a 36 ans” nous dit-il avec un accent difficilement compréhensible. Puis il nous parle du temps où la route n’existait pas : “ C’était plus tranquille avant! On allait à Coyhaique à cheval, il fallait plus d’un mois pour y aller.” Nous sommes à peu près à 200km de Coyhaique et il nous faudra 4 jours pour nous y rendre à vélo…


A proximité de Cerro Castillo, la piste se dégrade et devient épouvantable. Les roues dérapent dans les graviers trop profonds, le vélo est secoué violemment sur les “tôles ondulées” et le vent qui circule avec puissance dans la vallée nous fait dévier de notre trajectoire. Nous retrouvons des vitesses de 5km/h dans les descentes et posons régulièrement le pied à terre voire même je descend de mon vélo tellement le déséquilibre est important. Dépités, nous soufflons enfin lorsque nous apercevons la route bétonnée qui marque l’entrée dans le village et l’achèvement de 400 km de piste. Le long de la "4 voies", nous nous arrêtons à hauteur d’un bus aménagé en snak pour dévorer avec appétit et régal un sandwich viande-tomate-avocat!



Derrière nous, des machines refont la piste sous nos yeux rageurs; devant nous, la “cuesta del diablo” (la côte du diable) nous attend. Nous nous élançons dans les lueurs du soir vers le col qui, selon les chiliens, est particulièrement difficile. Les lacets s’enchaînent sur quelques kilomètres et nous parvenons au replat sans plus de difficultés. Notre entraînement de choc face au vent durant le premier mois semble porter ses fruits! Les montagnes qui nous entourent nous hypnotisent par leur masse imposante et leurs couleurs pastels roses, jaunes, vertes, caractéristiques de roches volcaniques. La route est déserte, nous descendons à toute allure à la recherche d’un campement avec vue sur les montagnes.


“Il y a un huemul sur la route” chuchote Olivier depuis l’extérieur de la tente. Je sors prudemment pour avoir la chance d’observer le symbole du pays qui ressemble à un chevreuil. Nous faisons un face à face immobile …petite surprise du matin. Après presque un mois isolés dans la nature patagonienne, nous dévalons la route qui nous emmène vers Coyhaique, capitale de la région d’Aysen, où nous avons rendez-vous avec un géologue.