lundi 30 mars 2009

Chos Malal (03 - 12/03/09)

Le nom de Chos Malal résonne dans mon esprit avec plaisir. Petite ville isolée au nord de la province de Neuquén en Argentine, entourée des montagnes de la cordillère, Chos Malal est la ville ou j’ai adopté l’Argentine et l’Amérique du Sud en général. J’y ai passé près de 5 mois au cours de ma carrière de géologue, j’y ai appris l’espagnol ainsi que mon métier de géologue de terrain, et c’est là réellement que j’ai fait la connaissance avec la culture sud-américaine, celle des gauchos, des condors et de la cordillère des Andes. Naturellement, Chos Malal était un passage obligé de la Géoroute.

C’est particulièrement ému que nous entrons dans Chos Malal le 3 mars, après avoir parcouru 400 km en 5 jours, fatigués par la chaleur écrasante et par la soif et par les nuits passées dans le désert. Nous allons enfin, pensons-nous, gouter à un repos bien mérité avec nos amis. Nous arrivons ainsi, sales et malodorants, à la petite maison de Maria Paz, mon amie chilienne qui m’a introduit dans tout le village. Les retrouvailles sont émouvantes et nous tombons dans les bras l’un de l’autre. Maria Paz a plus de 50 ans, mais c’est avec une joie d’enfant qu’elle nous reçoit chez elle, ou plutôt dans la maison qu’elle loue a une autre amie, la signora Ramona Gomez.

Apres l’émotion des retrouvailles, tout s’enchaine très vite. Nous rendons visite à Marta et ses fils, respectivement notaire et avocats, qui nous accueillent en fête. « Il faut faire parler de votre projet », nous dit Marta. « Demain nous allons à Radio Chos Malal pour qu’ils vous interviewent ». Son ex-mari, Hugo, passe à l’improviste. Il vient de Salta, au nord de l’Argentine, et chante dans un groupe de musique folklorique de Salta. « Il faut organiser une fête avec musique et asado pour Caroline et Olivier ! », s’enthousiasme Marta. Les yeux pétillants d’Hugo s’éclairent : « Bonne idée, jeudi soir, ca vous va ? ». En quelques minutes, l’emploi du temps de la semaine est quasiment bouclé.

Le lendemain, Marta nous emmène à Radio Chos Malal et nous présente à toute l’équipe. Leo, l’animateur, nous invite à nous installer dans le studio, en face du micro. Et l’interview commence ! Nous pensions être écoutés par quelques dizaines de personnes seulement, mais il s’est avéré que nous avions beaucoup plus d’auditeurs. Plusieurs coups de fil sont intervenus pendant l’émission pour demander, entre autre, comment se forment les tremblements de terre. Un camion qui passe devant le studio nous fait un grand signe du pouce : « Bravo les gars ! ». Et oui, nous sommes en direct ! Pendant toute la semaine qui suivra, les gens que nous rencontrerons nous demanderont : « C’était vous a la radio ? ». Bref, nous n’étions plus anonymes à Chos Malal.




Le lendemain, nous sommes invités pour un asado afin d’écouter Hugo jouer avec ses amis. La musique de Salta est parfaitement entrainante et les voix s’accordent comme les polyphonies corses. Le rythme des guitares sèches se marie avec celui du tambour dans une musique qui respire l’Argentine, les gauchos, et la Cordillère. Le maitre de maison n’est pas un des musicien. Il se nomme Nicolas Lefoll et porte bien son nom. Un peu farfelu et surtout complètement ivre, il sert des verres de grappa à tour de bras. Malgré leur apparence macho et virile, nos amis argentins ne supportent pas la grappa qu’ils trouvent trop forte, et je me retrouve avec les verres d’à peu près tout le monde à finir. Autant dire que la fin de soirée se déroule dans l’allégresse, jusqu'à notre retour en taxi dans lequel nous sommes pris d’un fou rire incontrôlable en regardant la situation : nous sommes quatre à l’arrière, entassés les uns sur les autres, et secoués dès que le taxi passe sur un nid de poule. C’est ca l’Argentine.







Mais à proximité de Chos Malal se trouve l’un des objectifs de la Géoroute Andine : le volcan Tromen. Il ne s’agit pas en soit d’un site géologique remarquable, mais c’est un édifice volcanique que je connais bien et auquel je suis très attaché car j’y ai appris la géologie de terrain durant mon doctorat. Le problème majeur est de se rendre au pied du volcan, qui se situe à plus de 40 kilomètres de Chos Malal, accessible par une route défoncée qui monte tout le long. En aucun cas nous ne pouvons nous y rendre en vélo. Un second problème se pose : il n’existe pas de service de location de voiture à Chos Malal. Nous tentons de négocier avec les chauffeurs de taxi, mais n’étant pas habitués a une telle demande et nous prenant pour des « gringos » riches comme Crésus, ils nous proposent des prix ridiculement élèves et inacceptables. La solution viendra de Luis, le compagnon de Maria Paz, qui possède une voiture et qui nous propose de nous emmener au pied du volcan où repose un lac magnifique. Excellente nouvelle !

Mais comme nous sommes dimanche, nous prenons notre temps et faisons griller un énorme morceau de viande de cabri, la spécialité culinaire du nord de la province de Neuquén. C’est donc le ventre ultra plein que nous prenons la route du Tromen en milieu d’après midi. La route serpente sur le flanc inferieur du volcan, recouvert de touffes d’herbes d’un jaune intense. La lumière de fin d’après-midi intensifie d’avantage les couleurs dorées de la montagne, qui s’enflamme littéralement sous nos yeux. Le jaune or met en valeur le rouge sang des algues du lac et nous offre un décor naturel unique. Sur le lac, des groupes de flamands roses s’envolent gracieusement. En face de nous, de l’autre cote du lac, l’immense cône volcanique du Tromen nous domine de 2000 mètres. Sa masse impressionnante semble nous écraser, et nous avons la sensation de pouvoir toucher son sommet tant il paraît proche. Ses pentes herbeuses sont parcourues par de longs serpents noirs qui rampent depuis le sommet du volcan. Ces coulées volcaniques figées pour l’éternité sont des marqueurs d’une activité volcanique récente, c’est à dire historique. Le jaune d’or tourne au rouge de braise au fur et a mesure que le soleil baissesur l’horizon, puis le feu du crépuscule s’éteint lorsque le soleil disparaît derrière les sommets enneiges de la cordillère, à l’ouest. Il est temps pour nous de redescendre à Chos Malal.










Le lendemain, Marta nous a pris rendez-vous avec le président du conseil municipal de Chos Malal. Nous n’avons aucune idée de ce que cela pouvait nous apporter, ni ce que ca pouvait leur apporter, mais nous nous y rendons avec curiosité et un certain amusement de rencontrer les politiques de Chos Malal. Introduits dans la salle du conseil par Rodrigo, le fils de Marta, nous sommes présentes à don Jorge, le président du conseil, homme charmant et d’un calme exemplaire. Il prend bien soin de nous parler lentement afin que nous comprenions tous ces propos. Apres avoir présenté l’origine et les objectifs de la Géoroute Andine, don Jorge nous explique a son tour leur intérêt : ils cherchent à développer le tourisme dans la région nord Neuquén sans tuer l’âme de la Patagonie, comme c’est le cas à Torres del Paine et a El Calafate. Pour cela, ils cherchent un moyen original de développer le tourisme, et ils ont conscience que la géologie représente un potentiel énorme. En effet, les paysages géologiques sont à couper le souffle dans toute la région mais en plus la géologie est d’une richesse telle qu’il serait possible de l’exploiter en tourisme scientifique. Pour cela, ils recherchent des géologues potentiellement intéressés, ainsi que des fonds publics et privés. Notre objectif de communication scientifique est en accord parfait avec leurs objectifs, et nous nous quittons avec l’idée certaine que nous pourrions faire un projet commun en utilisant nos compétences géologiques.

Cela fait 10 jours que nous sommes à Chos Malal, et il est temps pour nous de continuer notre route. Honnêtement, nous sommes sur les rotules car nous ne nous sommes jamais couchés avant minuit, le rythme de vie argentin étant nocturne. Nous sommes donc à la fois soulagés et tristes de quitter cette petite ville de Patagonie et nos amis. Mais nous sommes surs d’une chose : ce n’est qu’un au revoir, et nous reviendrons leur rendre visite et les remercier pour leur accueil chaleureux et leur générosité.