vendredi 20 mars 2009

Le Paso Mamuil Malal (27/02/09)

Currarrehue, Chili. Nous nous réveillons tôt pour partir aux aurores. Nous avons campé au creux d’une belle vallée encaissée, dont les flancs sont recouverts de forêts impénétrables. Une grosse difficulté nous attend aujourd’hui : le Paso Mamuil Malal, entre le Chili et l’Argentine. Au programme, un col pas très haut en altitude (1200 m), mais une route en très mauvais état avec de fortes pentes. Nous nous élançons motivés ce matin, prêts à célébrer nos 3000 km. Les 15 premiers kilomètres sont relativement plats, jusqu’à ce que la route s’incurve abruptement pour atteindre des pentes de plus de 15%. Les graviers chassent sous nos roues et nous avons de fortes difficultés pour avancer. Constamment, le poids de nos bagages nous tire vers l’arrière, soulevant la roue avant, et nous perdons le contrôle de notre monture et tombons misérablement... à 4 km/h.





Pendant le montée, nous arrivons à un poste de carabiniers chiliens pour nous reposer un peu. Aujourd’hui, il fait une chaleur étouffante, et nous buvons des litres d’eau que nous transpirons dans l’heure qui suit. A partir de ce point, la route serpente sur le flanc abrupt de la montagne en lacets serrés. La pente approche les 20% par endroit et nous devons pousser notre vélo à de nombreuses reprises. La multitude de véhicules qui nous doublent nous envoient des nuages de poussière qui colle à la peau. Eux-mêmes ont des difficultés pour monter, les moteurs ronflent alors que les pneus patinent sur les graviers. Nous mettrons plusieurs heures pour parcourir une dizaine de kilomètres, exténués et assoiffés.





A notre arrivée au col, nous jubilons à l’idée de la descente qui nous mènera dans la province de Neuquén. Le paysage est fantastique : des forêts d’araucarias, arbre mythique et millénaire des Andes patagoniennes, nous entourent de toutes parts. A notre droite, le volcan Lanín nous domine de plus de 2500 m. Cet énorme cône volcanique considéré éteint, recouvert sur un flanc seulement d’une petite calotte glaciaire, domine toute la région.




La route devient plate, et nous nous attendons à entamer la descente à chaque virage. Les kilomètres défilent sans que nous ne perdions un mètre d’altitude. Nous arrivons à la frontière et rentrons en Argentine, toujours en suivant cette route désespérément plate. Déjà la végétation change. Les arbres sont de plus en plus clairsemés, et la végétation parait de plus en plus sèche. Nous avons parcouru plus de 20 km depuis la fin de l’ascension, et nous n’avons toujours pas commencé à descendre. Après 25 kilomètres, nous nous trouvons au milieu d’une vaste plaine d’herbe jaune. La forêt a totalement disparu, les reliefs sont beaucoup moins escarpés qu’au Chili, et une immense plaine s’ouvre sous nos yeux. Il faut nous rendre à l’évidence : nous sommes sur un immense plateau, à 1200 mètres d’altitude, et nous ne descendrons pas.

La différence de topographie entre le Chili et l’Argentine est frappante : du coté chilien, les montagnes sont creusées de vallées profondes, d’altitudes proches du niveau de la mer, alors que du coté argentin, la Cordillère est bordée par l’immense plateau patagonien, perché à plus de 1200 mètres d’altitude. Cette asymétrie géographique est une constance tout au long des Andes du Sud.




Par endroits cependant, le plateau est incisé par de profondes vallées qui présentent des géométries très particulières. En effet, la limite entre le plateau et la vallée est franche, et marque ce que l'on appelle une " cuesta". Sous la cuesta, le relief est plus mou, plus arrondi. Pourquoi trouve-t-on ce type de morphologie dans le paysage ?








La réponse est en fait très simple. Au niveau des cuestas, il est possible d’observer les roches qui constituent le plateau : il s’agit d’immenses coulées volcaniques (en noir sur les photos), très dures et résistantes à l’érosion, qui recouvrent la région sur des milliers de kilomètres carrés. Cette couverture de roches très dures repose sur des sédiments meubles (blancs et rouge sur la photo), qui sont beaucoup moins résistants à l’érosion que les roches volcaniques. Ainsi la différence de morphologie entre le sommet du plateau et les vallées provient de la différence de résistance à l’érosion des roches rencontrées : on parle d’érosion différentielle.