jeudi 12 mars 2009

Le volcan Villarrica (22/02/09)

“Il est impossible de monter au sommet du Villarrica sans l’autorisation de la CONAF” (Corporacion Nacional Forestal, l’organisme qui gère les parcs nationaux au Chili). Tout le monde sur la route qui mène à Villarrica nous repete avec insistance que nous serions refoulés sans autorisation. “Le seul moyen est de prendre un guide et de partir avec un groupe”.

Seulement voila, une ascension avec un guide au sein d’un groupe ne permet aucun degré de liberté pour observer les roches et prendre le temps nécessaire pour filmer et prendre des photos. Il nous faut donc nous débrouiller pour faire l’ascension librement. En arrivant a la ville de Villarrica, sur les rives du lac qui porte le même nom, nous nous installons au camping Los Castaños avant d’aller a la pêche aux informations sur l’ascension. Direction l’office du tourisme où nous trouvons trois filles scotchées a leur écran d ordinateur à regarder une vidéo sur Internet, dont il nous a fallu toutes les peines du monde pour les en décoller. Nous les bombardons de questions : « Comment fait-on pour monter au Villarrica ? Y a-t-il un observatoire volcanologique à Villarrica ? Où pouvons-nous trouver des informations géologiques sur le volcan ? » Chaque questions se solde par une réponse plutôt évasive, se concluant en général par un « Je ne sais pas » décevant.




Nous repartons donc frustrés avec néanmoins l’adresse de la CONAF en poche où nous nous rendons directement. Nous entrons dans la bâtiment et trouvons devant la porte d’entrée les horaires d ouverture : 9h-14h. Il est 16h ... pas de chance. A tout hasard, je tente une petite frappe a la porte, mais nous devons nous rendre a l’évidence : le bureau est fermé. Nous redescendons les escaliers un peu dépités lorsqu’un bruit de loquet et de porte nous parvient. Nous gravissons les marches 4 à 4 : oui il s agit bien de la porte de la CONAF ! Un homme surpris de nous voir si content nous observe circonspect sur le pas de la porte. Nous reprenons notre souffle pour lui expliquer notre projet et notre intention de monter au sommet du Villarrica. Il nous présente alors à un autre homme très intéressé par nos explications, qui décroche son téléphone et me tend l’appareil : « Allez-y, expliquez a don Jorge Paredes, l’administrateur du parc national, votre projet, c’est une personne très ouverte. »

Je lui explique alors notre aventure en vélo et le projet géologique associé. « Vous ne voulez tout de même pas monter au sommet en vélo ? », me dit-il en plaisantant. La CONAF étant très intéressée par l’avis de professionnels, don Jorge nous donne immédiatement l autorisation requise pour monter seuls !



Le lendemain, nous quittons la ville de Villarrica pour Pucón, la principale ville touristique de la région, située au pied même du volcan. La forme conique parfaite du volcan, recouvert d’un glacier, surplombe la ville. A son sommet, un nuage de gaz s’échappe du cratère. Le soleil resplendit et le ciel est immaculé. Nous louons un équipement complet de randonnée glaciaire et partons en direction du volcan, à vélo. La route qui mène au parc national est une piste en terre qui monte sans arrêt. 8 km plus loin, nous arrivons en nage a l’entrée du parc ou don Jorge Paredes nous a demandé de nous présenter. Nous expliquons de nouveau au garde notre histoire, mais celui-ci nous regarde d’un air très suspect. « Et d’abord, qui êtes-vous, pourquoi vous croirais-je, avez-vous le matériel complet obligatoire ? », pour conclure, « Je ne peux pas prendre la responsabilité de vous laisser passer ». Je sentais le bouillon monter en moi, mais avec un gros effort je réussis à réunir toute ma diplomatie pour lui ré-expliquer le pourquoi et le comment de notre venue. Toujours très suspect, il nous laisse dans son bureau une dizaine de minutes avant de revenir avec un large sourire : « Mais pas de problème, bonne ascension, repassez demain en redescendant. » Nous n’y comprenons rien, d’autant plus qu’il nous suggère de camper dans le parc, ce qui est illégal.



Sidérés par ce changement d’attitude, nous partons sans demander notre reste. Nous sommes à 8 km du trek et nous pensons l’atteindre ce soir. Mais la route est si mauvaise et la pente si forte que nous abdiquons après 4 km où nous trouvons un endroit idéal pour camper au milieu de la jungle qui couvre le pied du volcan. Nous sommes seulement à 1000 m d altitude et il nous faudra gravir 1800 m de dénivelée pour atteindre le cratère. Je ne cache pas mon inquiétude à Caroline sur notre capacité à accomplir un tel effort. Mais nous nous couchons déterminés à gravir l’un des objectif principal de notre périple.
Le réveil sonne à 3h50, il fait nuit noire. Nous avalons rapidement notre petit déjeuner et rassemblons nos affaires. A 4h45, nous sommes fins prêts. Nous avançons tranquillement sur la route qui mène au pied de l’ascension, la lampe frontale sur la tête. Des millions d’étoiles brillent dans le ciel austral, la Voie Lactée nous montrant le chemin à suivre. Au loin, des chiens aboient, mais la forêt dort.


Après 1h30, nous arrivons au pied du cône principal du volcan, c’est à dire au pied du début de l’ascension. Il fait encore nuit noire et nous avons des difficultés pour trouver le chemin. La silhouette sombre du volcan se dessine dans la nuit, inquiétante, impressionnante. Soudain, une lueur rouge s’échappe du cratère, suivie d un nuage de gaz. « Il y a de l’activité la haut ! », dis-je à Caroline. Je repense alors à ce que les guides et le personnel du parc nous ont répétés : « Il n y avait pas de lave dans le cratère ». Il semblerait qu’ils aient tort. En quittant la route, la pente du sentier devient plus forte et nous soufflons fort. Le sol volcanique fait de petits lapilis (graviers volcaniques non consolidés) ne facilite pas notre progression. Déjà, les premières lueurs de l’aurore apparaissent timidement, dévoilant un paysage grandiose. Nous marchons au-dessus d’une mer de nuage d’où émerge le cône volcanique du Llaima. Au fur et a mesure de notre progression, le soleil monte et enflamme de couleurs vives tout le paysage.





A 2000 m d’altitude, nous nous arrêtons pour un premier casse-croûte. Au-dessus de nos têtes, le cratère du volcan crache inlassablement des vapeurs blanches. Soudain, des bruits de moteurs proviennent de la route en contrebas. Les minibus de touristes commencent à arriver en convois. Nous ne nous en préoccupons pas car ils sont loin derrière. Nous sommes cependant intrigués : tous les minibus se rassemblent au pied d’un télésiège qui arrive à 100 mètres seulement en contrebas d’où nous sommes. Horreur, alors que nous avons déjà gravi 1000 mètres en 2h30, nous allons être rattrapés par une horde de touristes. Déjà le télésiège est mis en marche. Il est temps pour nous de plier et de monter rapidement. Nous gravissons la pente assez raide qui nous mène au pied du glacier où nous chaussons les crampons, mais déjà les premiers groupes sont sur nos talons : la tranquillité du lieu et le silence sont rompus par les cris des groupes et des guides qui cherchent a tenir leurs clients. Nous gravissons les premières pentes neigeuses avec plaisir. Le spectacle de la haute montagne est magnifique et nous profitons de la vue. La fatigue nous pèse et nous ralentissons la cadence. Dépités, nous voyons fondre sur nous les premiers groupes. Nous nous écartons alors du chemin pour grignoter et les regarder passer. Nous sommes effarés par le nombre de visiteurs, que nous estimons à plus de 200 qui se suivent à la queuleuleu. Nous regardons passer ce convoi à moitié amusés à moitié terrorisés, mais surtout soulagés de ne pas en faire partie. Nous choisissons alors un autre itinéraire où la pente de neige est assez forte mais facile à manoeuvrer.




Nous atteignons finalement le cratère en doublant plusieurs groupes de touristes. Devant nous s’ouvre une immense bouche de plusieurs centaines de mètres, si profonde que nous ne pouvons en distinguer le fond. Nous nous isolons sur la lèvre opposée du cratère pour goûter sereinement le plaisir de l’ascension du volcan. Tout autour du cratère, des fumeroles s’échappent à travers des fissures. Soudain un grondement sourd s’élève du fond du cratère, suivi d un gros nuage de gaz qui nous enveloppe dans une atmosphère irrespirable. Heureusement, le vent se charge d’éloigner ces vapeurs soufrées. Nous passons près de 3 heures au sommet à filmer et photographier tout ce qui nous entoure. De là haut, il est possible de distinguer les coulées de lave qui se sont échappées sur les flancs du volcan. A l’intérieur du cratère, les dépôts soufrés jaunes contrastent avec les roches volcaniques noires.






Il se fait tard, et nous devons quitter ce lieu magique. La descente est longue mais agréable. Nous avons le sentiment d’avoir de la chance. De nombreuses observations en poche, nous sommes très satisfaits de notre ascension. Vers 18h, nous arrivons à la tente, extenués. Puis nous redescendons en vélo jusqu’à Pucón, ou nous nous écroulons dans le premier camping venu. Nous regardons le volcan d’en bas cette fois-ci, et nous avons du mal a croire que nous étions tout là-haut quelques heures plus tôt.