vendredi 24 avril 2009

Santiago du Chili et le Paso Cristo Redentor (24/03/09 – 07/04/09)

« Mi casa es sus casa », nous dit chaleureusement Cesar. Nous sommes à Santiago où nous avons la chance d’être hébergés chez notre ami Cesar. Nous avons rencontré Cesar à Rennes alors qu’il préparait son doctorat en même temps que moi. Outre sa générosité incroyable, Cesar est un type hors norme. C’est un grand bonhomme un peu ventripotent, aux cheveux longs et barbe noirs, arborant une peau sombre et des yeux bleus ultra clairs. Cette face est de plus toujours ornée d’un sourire communicatif. Avec lui, c’est la fête assurée : à toute heure du jour et quelque soit le jour de la semaine, il est toujours partant pour aller faire la fête avec ses copains.


Connaissant le phénomène, nous nous attendons à souffrir les premiers soirs chez lui. Et ça n’a pas loupé ! Seulement, nous sommes tellement fatigués qu’il accepte que nous nous reposions ... pendant qu'il fête notre arrivée avec ses copains. Cependant, Cesar n’est pas satisfait, et comme nous sommes fatigués en soirée, il nous organise une bonne fête en plein milieu de la journée. Direction, le marché central de Santiago où nous dégustons un excellent repas à base de fruits de mer arrosé d’un bon vin blanc, le Santa Carolina (ça ne s’invente pas !). Nous poursuivons dans le plus vieux bar populaire de Santiago, la Piojera, où nous enfilons des pichets de Terremoto (traduction : séisme), du vin blanc agrémenté d’une bonne boule de glace à l’ananas. Il faut bien l’avouer, le terremoto porte bien son nom car ça secoue drôlement, si bien que nous quittons la Piujela particulièrement joyeux en fin d’après-midi. Et ce n’est pas terminé car nous continuons toute la nuit chez Cesar pour fêter l’anniversaire de sa petite soeur ! Nous abdiquerons à 4 h du matin, alors que Cesar est ses accolites Juan et Marco continuerons jusqu’en milieu d’après midi du jour suivant. Bref, autant vous dire que nous ne nous ennuyons pas à Santiago.





Pendant notre séjour, Karen, une amie écossaise qui travaille avec moi à Oslo, nous rejoint à Santiago. Férue de sport, elle a décidé de prendre un peu plus de 3 semaines pour nous accompagner pendant une partie de la route, et pas des moindres : la sortie de Santiago et la traversée de la cordillère par le Paso Cristo Redemptor à plus de 3100 m d’altitude. Elle passera quelques jours avec nous chez Cesar avant de continuer. La veille de notre départ, nous faisons le plus beau cadeau de remerciement pour Cesar : nous allons faire la fête avec lui dans son jardin: le bar de René. « Le meilleur bar de Santiago ! », nous crie Cesar en se garant devant le bar en question. Et il faut bien l’avouer, ce bar a du caractère : sombre et seulement éclairé par une ampoule rouge, musique métal dans une ambiance enfumée, le bar de René est rempli de chevelues et chevelus vêtus de noirs et secouant la tête sur des airs de Iron Maiden ou Metallica. Si Caro est un peu surprise, pour ma part j’ai l’impression de revenir 10 ans en arrière à mes premières amours musicales aux éclats métalliques. Nous y resterons jusqu’à 4h du matin.

Le lendemain, c’est un supplice que de devoir nous lever 4 h plus tard. Mais nous avons du pain sur la planche : remonter nos vélos et les sacoches et envoyer cartes et colis avant que la Poste ne ferme à midi. Malgé la fatigue et la gueule de bois, nous parvenons à accomplir toutes nos tâches et nous sommes prêts à décoller aux alentours de 15 h. Mais il est impensable de sortir de Santiago en vélo, ce serait du suicide, et nous optons pour une sortie en bus. C’est ainsi que nous nous retrouvons à 18h dans la petite ville de Los Andes, à 150 km au nord de Santiago, nos sacoches montées sur les porte-bagages, prêts à enfourcher nos montures pour affronter la route des hautres Andes. Deux heures plus tard, nous sommes piégés par la nuit noire en cherchant vainement dans l’obscurité un endroit pour passer la nuit. Nous trouverons finalement refuge sur la pelouse de Luisa, une charmante jeune maman vivant le long de la route.


Le lendemain, nous entamons réellement le début de l’ascension du col. La route longe la vallée du Rio Aconcagua. Si le paysage n’est pas magnifique, il est toutefois fascinant et impressionnant. La vallée dans laquelle nous cheminons est profonde et ses versants particulièrement escarpés. Les sommets alentours nous dominent de plus de 2000 à 3000 m, et nous nous sentons comme écrasés par la masse de ces montagnes vertigineuses. Au fur et à mesure de notre progression, notre environnement devient de plus en plus minéral. Des blocs de rocher énormes ayant dévalés jadis les parois escarpées des montagnes jalonnent les bords de la route. La vallée est par endroits tellement profonde que la lumière du soleil a du mal à en atteindre le fond. Au cours de cette journée, nous ne parcourerons qu’une quarantaine de kilomètres, mais nous nous élèverons de plus de 1000 m. Nous ne savions pas alors que le plus dur nous attendait...



En effet, cette première journée n’était qu’une sorte d’échauffement pour ce qui nous attend au cours de la deuxième journée d’ascension. Ce jour-là, nous parvenons à partir assez tôt afin de profiter de la fraicheur matinale, pour ne pas dire la froidure. Les premiers kilomètres d’ascension sont identiques à ceux de la veille, en fond de vallée. Soudain, au détour d’un virage, la vision du paysage nous coupe les jambes : une paroi montagneuse immense semble parcourue par une horde de camions qui zigzaguent dans la montagne. Nous sommes face à une route infernale grimpant en épingles à cheveux (nous en avons compté 29 !) sur un fond de ronronnement incessant de moteurs de camions. Karen nous regarde, dépitée : « Vous voulez me tuer pour ma deuxième journée de vélo, c’est ça ? ». Nous sommes tout aussi effondrés par cette vision cauchemardesque.

En guise de réponse, nous enfourchons nos montures et entamons l’ascension tant redoutée. Surprenamment, la route n’est pas très pentue et nous montons sans trop de difficulté les premiers virages. Au fur et à mesure que nous nous élevons, le paysage alors fermé par la profondeur de la vallée s’ouvre entièrement, dévoilant d’immenses sommets enneigés et couronnés de glaciers. A chaque virage, nous pivotons de 180 degrés et un nouveau paysage s’ouvre à nous, brisant la monotonie de la montée. Dans les véhicules qui nous doublent, tous les gens, des chauffeurs de camion aux enfants des familles en vacances, nous lancent des cris d’encouragement qui nous font du bien.





Aux alentours de 12h30, nous avons atteint l’altitude de 2700 m, et nous avons faim. Nous trouvons de l’ombre et de la fraicheur dans un camp militaire de montagne, dont les soldats en service nous accueillent les bras ouverts. Ils nous offrent des fruits et nous présentent à leur mascotte : un énorme Saint-Bernard !



Une fois le repas avalé, nous poursuivons notre ascension sous un soleil de plomb. Nous parvenons enfin quelques kilomètres plus loin au poste frontière chilien, à 2900 m d’altitude. Nous nous renseignons parmi les douaniers sur les conditions de passage en Argentine. En effet, le col est en fait à plus de 3800 m, accessible par une petite piste en terre, mais la route principale emprunte un tunnel à 3100 m, el Caracol, et en tant que cycliste, nous n’aimons guère les tunnels. Un premier douanier nous renseigne : « Il n’y a pas de problème ! Le tunnel est large et l’aération est bonne. Faites-moi confiance, foi de douanier ! ». Nous lui faisons tellement confiance que nous demandons à un autre officier. « Non, vous ne pouvez pas passer en vélo, c’est beaucoup trop dangereux et interdit. En revanche, un service spécial à l’entrée du tunnel chargera vos vélos dans un camion et vous fera traverser. » Le deuxième a l’air beaucoup plus sérieux, et nous décidons de lui faire confiance. Et nous avons eu raison ! En parvenant en toute fin d’après-midi au sommet de la route, nous trouvons avec soulagement le service en question, qui charge en deux secondes nos vélos surchargés à l’arrière de leur camion. Nous montons à l’avant, et nous profitons de la vue sur la route, souterraine.





Après 2 kilomètres d’obscurité, nous voyons poindre au loin le point lumineux de la sortie. Lorsque nous débouchons dans la lumière du jour, un nouveau paysage, argentin cette fois, s’ouvre devant nous : c’est le sommet de la vallée qui descend en pente douce au pied du Cerro Aconcagua, le point culminant des deux Amériques, à 6959 m. C’est la vallée qui nous conduira durant les prochains jours à Mendoza et ses fameux vignobles.