Voyager en vélo réserve toujours ses surprises. Impossible de planifier quoi que ce soit, tant le vent est un facteur déroutant. Même si nous maudissons très souvent ce vent qui nous vole toute notre énergie, il faut reconnaître qu’il nous conduit vers des rencontres incongrues.
C’est par une journée de grand vent que nous nous sommes arrêtés à un poste de police chilienne. Le vent de côté en rafales violentes que nous affrontions depuis plus de deux heures nous éjectait hors de la route. La violence du vent était telle que nos vélos étaient inclinés de 10-15 degrés ! Mais c’est l’important trafic routier qui nous inquiétait le plus puisque les bus et camions passant à quelques mètres de nous perturbaient pendant quelques secondes le passage du vent ce qui nous déséquilibrait dangereusement et nous aspirait vers les roues.
Epuisés, nous demandons l’autorisation en poste si nous pouvons manger à l’abri du vent. Cinq minutes plus tard, nous sommes conviés dans la cuisine, au chaud, où 5 policiers prennent leur déjeuner. Ils nous proposent spontanément une assiette de riz au curry et saumon pêché par l’un d’entre eux. Entre cette proposition et notre pain et boîte de thon, le choix est vite fait et nous acceptons avec grand plaisir ! Nous dégustons notre repas ainsi que le pain fait maison qui est de loin meilleur que celui acheté en panaderia. Durant l’après-midi, le vent forcit et nous n’avons aucune envie de lui faire face, d’autant plus qu’il serait impossible de planter la tente dans la pampa désertique. Nous demandons une nouvelle fois si nous pouvons rester là le temps que le vent se calme, et éventuellement planter la tente à l’abri d’un bâtiment. Généralement, le vent se calme en fin de journée ou vers trois heures du matin, et nous avons en tête de partir de nuit pour lui échapper.

Après une sieste régénérante, nous passons notre soirée à discuter de choses et autres et attendons le retour du chef devant la télévision dans le bâtiment de garde auprès du chauffage. Le chef ne revenant pas de déplacement, les policiers de garde nous conduisent dans un bureau chauffé pour que nous puissions dormir. Le vent rugit toujours avec force à l’extérieur et nous savons que nous ne partirons pas cette nuit. Au petit matin, même constat.
Plusieurs solutions s’offrent à nous : (1) rester ici jusqu’à ce que le vent se calme, (2) affronter le vent de côté en prenant le risque d’avoir un accident, (3) faire du stop. Le choix est difficile. Nos amis policiers nous invitent au petit déjeuner. Sur la table nous attendent café, thé, petits pains maison et confiture ! Les chefs sont revenus au petit matin de leur mission mais restent cependant à papotter avec nous, ce qui bien sûr retarde notre décision.

Nous optons finalement pour la troisième solution, car nous ne voulons pas abuser de l’hospitalité des policiers, et reprendre la route nous semble trop dangereux. C’est tout penaud que nous nous installons à quelques metres du poste, le pouce levé. Se faire embarquer avec deux vélos n’est pas si simple, mais nous remarquons assez vite que nos amis policiers arrêtent prioritairement les 4x4 pick-up en leur demandant s’ils peuvent nous prendre. L’un d’eux nous fait signe : il a convaincu une famille qui se rend à Puerto Natales de nous prendre à l’arrière de leur camionnette.

Nous voyons le poste de police disparaître au loin, calés entre les vélos et les sacoches, les pieds sur la porte non fermée du véhicule ... et dire que nous avions choisi l’auto-stop pour des raisons de sécurité ! Cristian, Carolina et leur fils Nicolas s’arrêtent pour nous faire monter dans la partie fermée du pick-up de peur que nous prenions froid. Plus loin, ils nous offrent café chaud et une pâtisserie dans une cafétéria.
Nous faisons finalement un bond de 200 km en quelques heures et sans effort avec, malgré cette nouvelle rencontre, l’amertume du renoncement. Au camping de Puerto Natales, nous retrouvons avec surprise les couples cyclistes australiens, français et anglais que nous avions rencontrés les jours précédents. Comme nous, tous ont fait du stop ou ont pris le bus à cause du vent ... ouf, nous ne sommes donc pas les seuls ! Une très bonne soirée en compagnie de Cristian, Carolina, Nicolas et Alban, Nathalie et Charlotte, fraichement rencontrés dans un café, achèvent finalement les derniers remords de notre escapade en voiture.