A la douane chilienne, aucun fruit, legume, viande, fromage ne doit passer. C'est ainsi que le petit dej' se transforme en sandwich au salami, et que nous nous goinfrons de pate de coing une heure plus tard. Il ne nous reste plus de nourriture, et il n'y a rien avant 140 kilometres exceptes un petit resto apres la douane. Il n'y a pas de distributeur d'argent chilien non plus. Comment faire ? Et comment prevoir le nombre de jours pour atteindre Porvenir avec ce vent ? Nous achetons 6 sandwichs et 2 paquets de biscuits avec de l'argent argentin au resto en esperant un bon accueil dans les estancias. C'est chez Juan et Krazna a l'Estancia Las Flores que nous trouvons la convivialite et une petite place pour notre tente dans leur jardin le soir. Nous decidons de contrer le vent le lendemain en nous levant a 3h du matin. Heureux et fiers de nous, face a un lever du soleil fabuleux, nous pedalons dans la quietude du petit matin. A notre grand soulagement, le vent ne se leve pas de la journee. A un croisement, une tente et un velo attirent notre attention : "¿Hola, que tal?". L'homme nous regarde d'un air perplexe, il semble ne pas comprendre l'espagnol. "Alemana", nous repond-il. Nous enchainons en anglais et le sourire de Thomas apparait. Quelques mots echanges et nous repartons avec une superbe vue sur la Bahia Inutil. Au fond, nous apercevons les sommets enneiges de la Cordillere Darwin. Olivier se persuade qu'un des sommets est un volcan ! Je ne le contrarie pas, et nous contemplons cette magnifique vue tout au long de la journee et de la soiree. Nouveau reveil a 4 heures du matin, mais la migraine et le sommeil m'assomment. Repos force jusqu'a 8h. A deux kilometres en aval de notre campement, nous quemandons de l'eau a l'Estancia Fortuna. Jose, affaire dans sa cuisine, nous recoit avec un bon cafe reparateur. Jusqu'ici, nous n'avons essuye aucun refus, toutes les portes se sont ouvertes, parfois avec un cafe, parfois avec un diner, et toujours avec la ressource dont nous avions besoin : l'eau. En Terre de Feu, lorsque les argentins ou chilien nous disent "Suerte" (Bonne chance), ce n'est pas a demi-mesure puisqu'ils nous offrent egalement cette chance ! Une veritable lecon de generosite nous attendait ici, tout comme a Buenos Aires.
Les derniers kilometres jusqu'a Porvenir sont de veritables montagnes russes : nous montons et descendons a longueur de temps dans un paysage un peu plus vert qu'en Argentine. Enfin, nous atteignons Porvenir aux maisons colorees et aux arbres taillees en forme de champignon. Dans le sud patagonien, la couche d'ozone est tres fine et l'indice d'exposition solaire est tres eleve comme l'indique une pancarte a la mairie. Heureusement pour nous, la temperature n'est pas tres elevee nous permettant de supporter des vetements longs qui nous protegent du soleil.
Le bateau partira a 8 heures le lendemain, et nous preferons dormir a proximite de l'embarcadere, a l'arriere de l'ecole. Au petit matin, nous rencontrons Jesse et Jules, un couple de cyclistes australiens, et nous retrouvons Thomas. Le bateau nous emmene vers Punta Arenas, en Patagonie continentale et c'est ainsi que nous quittons la Terre de Feu.
Comme Sandra a Ushuaia nous a malicieusement fait gouter la confiture de Calafate, dont la legende dit que nous reviendrons a l'endroit ou nous avons mange cette confiture, il est fort possible que l'appel du vent nous fasse revenir un jour sur cette ile du bout du monde.