La Patagonie et la terre de Feu sont des régions du monde célèbres pour leurs vents violents. Les marins les connaissent d’ailleurs bien et leur ont donné des noms aussi amicaux que les 40ème rugissants ou 50ème hurlants. Alors que nous pensions avoir subit les pires affres du vent en Terre de Feu et à Punta Arenas, nous avons déchanté sur la route qui nous amené d’El Calafate à El Chalten. Muni de nourriture pour 4 jours, nous quittons El Calafate le 26 décembre en ne soupçonnant pas de ce qui nous attendait : un enfer.
Pour partir d’El Calafate, nous prenons la direction plein est, c'est-à-dire le vent dans le dos. Avez-vous déjà roulé à 45 km/h sur le plat sans pédaler ? Avez-vous déjà monté les cotes à 15 km/h sans pédaler ? Et bien ce jour-là, nous l’avons fait. Le vent soufflait si fort que nous devions freiner sur la route goudronnée. Dans notre dos, le vent soulève un immense nuage de sable qui ne recouvre, nous envahit et obscurcit le ciel. Nous avalons les 30 premiers kilomètres jusqu’à la jonction avec la route 40 en un temps record.


Car c’est bien la difficulté majeure : trouver un endroit abrité du vent dans la pampa argentine, où rien ne pousse hormis de l’herbe sèche. Et c’est bien le problème qui se pose le lendemain : nous ne trouvons aucun endroit abrité, et nous devons opter après une heure de recherche pour un remblai suffisamment haut, en bordure immédiate de route. La terre y est tellement dure que toutes les sardines se tordent. Malgré cet abri précaire, la tente claque continuellement et semble s’envoler. La nuit qui nous attend sera dure …

Malgré tout, nous forçons une sortie. Après 300 mètres, nous sommes poussés 3 fois hors de la route et nous abandonnons. Nous retournons nous réfugier à l’estancia, patienter que le vent tombe. Mais un autre problème se pose : nous avions à manger pour 4 jours, et nous sommes le 4ème jour. Il nous faut donc atteindre El Chalten le plus rapidement possible.

Le lendemain matin, le vent semble s’être apaisé et nous partons. 10 km/h, un miracle ! Mais rapidement, le monstre nous défie et cherche à nous terrasser. L’effet est immédiat : 9 km/h, 8 km/h, puis 6 pour finir à 4 km/h. Le bruit devient insupportable. Tout geste devient une épreuve : en essayant d’ouvrir le sac, il nous claque dans les mains, en ouvrant nos poches, tout s’envole instantanément, et en lâchant le guidon une seconde, il devient fou et incontrôlable. Je crie pour réunir le peu de courage qu’il me reste, mais je n’entends plus le son de ma propre voix. Le coup de grâce m’est finalement donné lorsque suite à une mauvaise manœuvre, le vent me fait faire demi-tour … En une seconde, sans plus rien contrôler, je me retrouve dans la direction opposée de notre destination. Je craque et tout espoir s’effondre. Je m’installe sur le bas cote, et nous décidons d’un commun accord de finir en stop. Il est 10 h du matin, et nous n’avons vu qu’une seule voiture de la matinée. L’attente sera longue …

