samedi 27 juin 2009

Les velos delinquants (Tica-Tica, Bolivie, 16/06/09)

Nous sommes sur la route qui nous mène d'Uyuni à Potosí. Après deux jours de route horrible, nous traversons en fin de journée le village de Tica Tica, où il est temps de trouver une endroit pour dormir. Nous nous installons dans un rio asséché pour la nuit. Soudain, alors que nous préparons nos pâtes quotidiennes, nous entendons à quelques dizaines de mètres une portière de voiture claquer et des voix masculines crier dans une langue que nous supposons être du Quechua.

« Ils doivent venir chercher les ânes », dit Olivier préparant nos traditionnelles pâtes du soir. Je reste sceptique car il fait nuit noire, et je n’ai pas vu d’âne dans les alentours.


Quelques minutes plus tard, des lampes sont braquées sur notre tente.

« Hola ! », dit Olivier pour signaler notre présence.

« Nous ne voulons tuer personne ! Nous sommes des gens du village, sortez de la tente. », dit une voix au milieu de bruits de piétinements autour de nous. Surpris plus qu’inquiets, nous sentons que notre situation n’est pas à notre avantage.

« Nous ne sommes pas dangereux, nous sommes des voyageurs »

« Nous ouvrons la tente de l’autre côté », ajoutais-je en pensant qu’une voix féminine rassurerait nos villageois inquiets. Aussitôt dit, aussitôt fait, nous ouvrons la tente en prenant soin de nous éclairer avec nos lampes.

« Sortez », nous dit la même voix de l’autre côté de la tente, personne n’osant apparemment se mettre devant nous.

« La tente est ouverte par ici », insistons-nous. En effet, nous n’avons aucune envie de sortir de notre cocon de drap-poncho-duvet en petite tenue nocturne alors qu’il gèle déjà dehors. Un homme vient devant nous, braquant sa lampe dans nos yeux. Nous sommes scrutés. Rassuré, il appelle ses compagnons qui s’agglutinent tout autour de nous.

« D’où venez-vous ? »

« Nous sommes français, nous voyageons à vélo. »

« Vous venez d’Uyuni ou de Potosí ? », ajoute un homme se mettant à genoux à l’entrée de la tente pour nous observer de plus près.

« Nous venons d’Uyuni, nous avons traversé le village vers 17h. »

« Ah oui ! Je vous reconnais. »

Les autres hommes font venir une petite fille pour qu’elle nous voit. Je reconnais la fillette qui, quelques heures plus tôt, s’était dirigée vers l’endroit où nous installions la tente, puis avait fait subitement demi-tour sans répondre à nos signes.

« Nous cherchons 4 délinquants qui ont été vus marchant sur cette route. Vous les avez vus ? »

« Non », répondons-nous, surpris.

« Si vous les voyez, vous pouvez crier pour nous avertir ? »

« Oui ... Mais pensez-vous que nous sommes en danger si nous restons ici ? » Le brouhaha des villageois nous empêche de comprendre ce qu’ont fait ces « délinquants », et si nous devons déménager. Le chef nous serre la main, et tous repartent aussi vite que venus, ne faisant pas plus de recherche dans les environs. Perplexes, nous nous demandons si nous devons déménager au village pour notre sécurité, ce qui nous prendrait quand même deux heures.


En réfléchissant un minimum, les événements nous semblent manquer totalement de cohérence : des délinquants ne marchent pas, surtout s’ils ont volé un mouton ou un lama, et ne s’installent pas pour la nuit aussi prêts du lieu de leur méfait. Nous sommes convaincus maintenant qu’ils nous cherchaient, suite à l’alerte de la fillette. C’est aussi à cause du comportement étrange de cette fillette que nous avions mis pour la première fois nos vélos dans le hall de la tente.

« Pourquoi 4 délinquants ? C’est la peur qui fait voir double ? »
Olivier me regarge perplexe, puis me dit soudainement : « Ben, nous et les vélos ! »
Eclats de rire dans la tente !
Nous venons enfin de trouver des surnoms pour nos vélos : Bonnie and Clyde.