samedi 4 juillet 2009

Le plateau de l’Altiplano-Puna

Le 3 juillet, nous quittons la capitale bolivienne, La Paz, construite au cœur et à flanc d’un canyon phénoménal. Dans la ville, en particulier sur les hauteurs, les pentes des rues dépassent parfois les 25 % ! Au petit matin, nous tentons donc de quitter cette jungle urbaine, par l’autoroute. Notre ascension est hallucinante. De notre point de départ à 3700 mètres d’altitude, nous empruntons l’avenue principale de La Paz qui débouche sur l’autoroute qui nous mènera hors de cette ville d’un autre temps, d’un autre monde. Des milliers de véhicules crachant des fumées noires opaques et irrespirables nous dépassent en nous lançant des coups de klaxon pour nous prévenir de leur arrivée imminente. 500 mètres plus haut, l’autoroute nous offre une vue spectaculaire sur toute la ville et les sommets environnants de la Cordillera Real, recouverts de neiges éternelle étincelantes. La Paz apparaît vraiment comme une ville unique au monde de part sa situation géographique hors du commun.





Un péage marque la sortie de la ville et le sommet de notre ascension. Les policiers nous laissent passer en nous lançant de chaleureux encouragements. Puis, au détour d’une courbe sur la droite, l’immense canyon de La Paz disparaît, et s’ouvre alors sous nos yeux une autre paysage inimaginable, aux antipodes du précédent : le plateau de l’Altiplano bolivien, une immense plaine perchée à 4000 mètres d’altitude et ponctuée ça et là de quelques « collines » culminant difficilement à 5000 mètres. Au cours de la journée qui suivra, nous traverserons cette région si particulière en roulant sur de longues lignes droites. Si notre altimètre ne dénonçait pas l’altitude digne des plus hauts sommets alpins, nous pourrions nous croire en France. En fin de journée, nous atteignons les rives du lac Titicaca, le lac sacré des Incas, dont la surface s’étend sur des dizaines de kilomètres à plus de 3800 mètres d’altitude, faisant de lui le plus haut lac navigable du monde.




Les eaux du lac étincellent sous les rayons bienfaiteurs du soleil. L’onde s’étire à perte de vue, si bien qu’il nous est impossible de distinguer les berges opposées du lac. De par ses dimensions, le lac Titicaca est comparable au salar d’Uyuni, plus au sud. Mais plus encore, le lac représente l’équivalent du salar tel qu’il était avant qu’il n’évolue en une vaste plaine salée. Comme nous l’expliquions dans notre article sur le salar, la région d’Uyuni était une immense lac dans lequel se jetaient les rivières qui dévalaient des montagnes alentour. Les eaux de ces rivières transportaient des sédiments, comme des sables et des argiles, qui se sont déposés dans le lac et qui l’ont peu à peu comblé. Ce scénario reflète probablement l’évolution future du lac Titicaca. Les rivières provenant de la Cordillera real, entre autres, apportent de grandes quantités de sédiments qui se déposent dans le lac. A terme géologique, c’est-à-dire dans plusieurs centaines de milliers d’années, le lac Titicaca se transformera en vaste plaine salée, à moins qu’un événement majeur vienne perturber l’équilibre géologique actuel.

Mais en réalité, nos premiers coups de pédale dans cet environnement singulier ne datent pas de cette période, mais de notre départ de Salta, près de 2 mois plus tôt. Depuis cette période, nous n’avons eu de cesse de traverser et parcourir cet immense plateau comprenant la Puna argentine, le Sud-Lipez bolivien et Uyuni, et le lac Titicaca. Ce plateau est le deuxième plus grand haut plateau sur Terre, après le plateau tibetain.

Mais quelle est l’origine de ce plateau monumental ? Comment des lacs aussi grands et aussi hauts que la Grande Casse (point culminant du massif de la Vanoise dans les Alpes françaises) peuvent exister et persister ? Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de considérer la géographie de la chaine andine dans son ensemble. Dans cette région, la cordillère est particulièrement large (400 à 500 kilomètres). Elle est bordée à l’ouest par la Cordillère Occidentale, constituée par les volcans de l’arc volcanique, et à l’est par la Cordillère Orientale, constituée par la Cordillera Real, la Cordillera Vilcabamba, entre autres. Le plateau se trouve donc pris en sandwich entre ces deux cordillères culminant toutes deux à plus de 6000 mètres
.



Pourquoi la cordillère est-elle si large à cet endroit ? Pourquoi n’y a-t-il des montagnes que sur ces bordures, et pas au milieu de l’Altiplano ? Ces questions restent ouvertes encore de nos jours et l’Altiplano, tout comme le Tibet, demeurent de grandes énigmes géologiques. Il existe bien plusieurs théories pour expliquer la formation de ces plateaux, mais il existe également tant de zones d’ombre que ces théories restent floues pour la plupart des géologues. Alors de là à tenter de vous expliquer simplement le pourquoi du comment … J’ai bien ma théorie en tète, mais je ne m’aventurerai pas à la coucher sur papier, je n’y arriverais pas.

Une chose est certaine : il reste encore beaucoup de travail pour les géologues de demain, et il reste de nombreuses régions à explorer et à décrire en détail. Les origines des plateaux andin et tibétain peuvent sembler des questions scientifiques primordiales, et pourtant encore sans réponse. Alors, jeunes géologues en herbe, l’avenir scientifique de ces grandes régions géologiques est entre vos mains et germera sans aucun doute dans vos têtes.